
JL Safin
J’ai eu la chance de commencer à pratiquer la Thérapie manuelle sitôt la fin de mes études de kinésithérapie, en ayant l’opportunité d’acquérir et d’utiliser des pratiques complétement différentes de celles relevant des conceptions structuralistes et périphérialistes (ostéopathie, chiropractie…). En effet, alors qu’indications et résultats sont identiques, leur caractéristique est d’être exécutées en station debout naturelle, de ne comporter aucune manipulation ostéo-articulaire directe ou encore de faire référence à un éventuel système crânio-sacré. Ces faits ne relevant pas du hasard, il m’a fallu donner du sens à des gestes qui soignent, livrés sans discours de la méthode ! De longues années de recherches bibliographiques, de rencontres opportunes au fil de participations pluriannuelles à des congrès scientifiques (en auditeur ou comme lecteur) et au sein de sociétés savantes, de formations post-universitaires orientées, de visites à des labos de recherche fondamentale…, m’ont permis de comprendre que l’explication la plus probable se trouvait dans la neurophysiologie et la psychophysiologie du contrôle moteur. Le contrôle de la posture érigée et la production de mouvements spatialement orientés étant l’essence même de la vie humaine, la biomécanique articulaire et ses « lésions » périphériques devenaient des résultantes. Ceci inversait la relation de cause à effet prônée par les concepts structuralistes : analyse et traitement des troubles et douleurs exprimés par mes patients obligeaient à un raisonnement systémique et à une approche basée sur l’application de la psychophysiologie des systèmes intégrés. Revenir en arrière et suivre une formation en ostéopathie ou en chiropractie me sont apparus inappropriés ; j’ai préféré suivre la tendance mondiale à faire évoluer le statut de kinésithérapeute vers celui de physiothérapeute sur le mode anglo-saxon. Je n’ai pas donné suite à la lettre d’intention adressée à l’Ecole Européenne d’Ostéopathie de Maidstone (GB).
Aujourd’hui, les Neurosciences intégrées, cognitives, affectives ont remplacé la neurophysiologie. L’étude du cerveau en action par l’imagerie cérébrale fonctionnelle a permis de faire un bond dans la compréhension du modus operandi. Un premier effet a été de mettre en évidence l’indissociabilité de la matière et de l’esprit, chérie par les cultures orientales de la Santé et du Bien-être, mais mise à mal par la vision cartésienne occidentales des choses de la vie. Sous des formes diverses, toutes les disciplines « manipulatives » se voient obligées de prendre le virage des neurosciences. Poser les mains sur le corps d’un sujet, c’est mettre les mains dans son cerveau ; s’adresser au corps, c’est s’adresser aux représentations mentales que le cerveau en élabore ; manipuler des tissus innervés, c’est manipuler la conscience de Soi, compte tenu du dialogue permanent que ces entités entretiennent par des flux down up et top down. Au même titre que le yoga, la méditation, le contrôle du souffle, l’hypnose…, je soutiens depuis plus de trente ans l’idée que les professionnels de Santé prenant en charge les pathologies fonctionnelles doivent changer de logiciel, parce que les techniques manipulatives sont à considérer comme des pratiques psychocorporelles actives ou passives bidirectionnelles. C’est d’ailleurs ce qui en fait leur extrême richesse et qu’elles sont fort loin d’être de simples effets de mode !
Manipulation de la conscience de Soi, mais pas seulement puisque nous vivons dans un espace spatialement orienté par la gravité. Grande comme un dé à coudre et vieille de quelques centaines de millions d’années, l’oreille interne est incontournable de cette perception de l’espace et du corps dans l’espace. En faisant la différence entre une accélération de la tête issue d’une glissade ou d’un mouvement volontaire, elle est un indispensable du contrôle postural. Compte tenu de la multiplicité de ses implications, la connaissance de la physiologie du système vestibulaire est un passage obligé de toute pratique psychocorporelle : elle étend la conscience de Soi au Soi perçu dans l’espace, c’est-à-dire aux fondements de la vie sur terre et concerne autant le vulgus pecus que le sportif de haut niveau à la recherche de performance. Pour remplir cette case et tenir un discours qui palie aux insuffisances de la posturologie, j’ai acquis le titre de rééducateur vestibulaire et compris, par la même occasion, qu’un mal de dos, qu’une entorse, qu’un vertige, qu’une cinétose, etc.., pouvaient être l’expression d’une altération du Soi perçu dans l’espace. Le consensus scientifique, établi depuis une vingtaine d’années autour de la décorrélation entre lésions anatomiques articulaires et douleurs, en particulier rachidiennes, en est l’illustration. Toutes les médecines fonctionnelles ou dites alternatives, devraient trouver leur justification dans l’application de ces considérations.
Au plan clinique, j’ai un recul professionnel de dizaines de milliers de cas. J’enseigne ces approches systémiques, diagnostiques et thérapeutiques aux professionnels de Santé concernés environ depuis trente ans, ce qui est à l’origine de ma rencontre avec Katy. Il faut croire que le message, bien qu’il fut notoirement iconoclaste à l’époque, a laissé des traces puisque Katy a progressivement compris le bien-fondé d’introduire ces notions fondamentales dans les formations SATIAM. J’aurai plaisir à vous faire partager cette approche psychocorporelle moderne et de vous aider à faire de l’expérience yoga, un tout autre monde que celui d’une simple gymnastique corporelle ou d’une culture pyschomystique aléatoire. L’application raisonnée des neurosciences permet de donner du sens au discours traditionaliste et de dépasser les limites de la transmission horizontale de ces pratiques ancestrales pour en faire une véritable thérapeutique du bien-être au service de la Santé